Tout savoir sur la sous-traitance en RDC. cadre juridique...
LOI N° 17/001 DU 08 FEVRIER 2017 FIXANT LES REGLES APPLICABLES A LA SOUS-TRAITANCE DANS LE SECTEUR PRIVE
EXPOSE DES MOTIFS
La République Démocratique du Congo connaît depuis une décennie, une relance de son économie, principalement dans les secteurs des mines, des hydrocarbures, du bâtiment et des télécommunications. Cependant, cette relance ne s’accompagne pas d’un développement intégral attendu par le peuple congolais.
- Titre I : Des dispositions générales
- Titre II : Des principes et conditions d’exercice de la sous-traitance
- Titre III : Des droits et des obligations des parties
- Titre IV : Des éléments et du contrôle du contrat de la sous-traitance
- Titre V : Du régime social, fiscal, douanier, commercial et financier
- Titre VI : Des sanctions
- Titre VII : Des dispositions transitoire, abrogatoire et finale
Telle est l’économie générale de la présente loi.
L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté ;
TITRE I : DES DISPOSITIONS GENERALES
Chapitre I : De l’objet et du champ d’application
Section Ière : De l’objet
Article 1er
La présente loi fixe les règles applicables à la sous-traitance entre personnes physiques ou morales de droit privé.
Elle vise à promouvoir les petites et moyennes entreprises à capitaux congolais, à protéger la main-d’œuvre nationale.
Section 2 : Du champ d’application
Article 2
La sous-traitance concerne tous les secteurs d’activités, sauf dispositions légales régissant certains secteurs d’activités ou certaines professions.
Elle porte sur les activités connexes, annexes ou sur une partie de l’activité principale.
Elle peut prendre l’une des formes suivantes :
1. la sous-traitance de capacité ;
2. la sous-traitance de spécialité ;
3. la sous-traitance de marché.
Chapitre II. Des définitions
Article 3
Au sens de la présente loi, on entend par :
1. activité principale : activité signalée à titre principal dans le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier de l’entreprise ou celle faisant l’objet du marché ;
2. activité annexe : toute activité qui concourt de manière indirecte à la réalisation de l’activité principale en fournissant les biens et services notamment le transport des produits ou du personnel, la restauration du personnel, la buanderie, la garde industrielle, la police anti-incendie, la prise en charge des soins de santé du personnel ;
3. activité connexe : tout service, toute production dont l’entreprise a besoin et qui sont liés à la réalisation de l’activité principale ;
4. co-traitance : contrat par lequel deux ou plusieurs entreprises sont sous-traitées par le même entrepreneur principal pour la réalisation des ouvrages ou services ;
5. entreprise principale ou entrepreneur principal : personne physique ou morale qui a mobilisé les ressources financières, humaines et techniques en vue de la production des biens ou de la prestation des services ;
6. maître d’ouvrage : personne physique ou morale qui confie l’exécution des travaux ou une prestation des services à une entreprise principale ;
7. prêt illicite de la main-d’œuvre : opération frauduleuse qui fait disparaître la qualité de salarié entre le préteur et l’emprunteur dans le but de tirer bénéfice sur le prix qu’il aurait dû payer pour l’emploi similaire ;
8. sous-traitant ou entreprise sous-traitante : personne physique ou morale dont l’activité, à titre habituel, temporaire ou occasionnel, est liée, par un contrat ou une convention, à la réalisation de l’activité principale ou à l’exécution d’un contrat d’une entreprise principale ;
9. sous-traitance : activité ou opération effectuée par une entreprise dite sous-traitante, pour le compte d’une entreprise dite entreprise principale et qui concourt à la réalisation de l’activité principale de cette entreprise, ou à l’exécution d’une ou de plusieurs prestations d’un contrat de l’entreprise principale ;
10. sous-traitance de capacité ou conjoncturelle : opération par laquelle l’entreprise principale fait appel temporairement à une autre société pour la réalisation d’une tâche ou la fabrication d’un produit qu’elle peut exécuter elle-même afin de faire face à des commandes supplémentaires ;
11. sous-traitance de spécialité : opération par laquelle l’entreprise principale recourt aux services d’une société spécialisée pour l’exécution d’une tâche requérant des équipements ou des compétences spécifiques dont elle ne dispose pas, aux fins de la réalisation de l’activité principale ;
12. sous-traitance de marché : opération par laquelle une entreprise principale titulaire d’un marché recourt à une autre entreprise pour l’exécution de certaines obligations du contrat ou du marché.
TITRE II : PRINCIPES ET CONDITIONS D’EXERCICE DE LA SOUS-TRAITANCE
Chapitre 1er : Des principes
Article 4
La sous-traitance est un contrat d’entreprise, consensuel, onéreux et écrit. Il est prouvé par toute voie de droit.
Article 5
L’activité de sous-traitance est libre sur toute l’étendue du territoire national, y compris dans les espaces maritimes sous juridiction de la République Démocratique du Congo.
Toute entreprise est libre de sous-traiter dans le secteur de ses activités.
Article 6
L’activité de sous-traitance est réservée aux entreprises à capitaux congolais promues par les congolais, quelle que soit leur forme juridique, dont le siège social est situé sur le territoire national.
Toutefois, lorsqu’il y a indisponibilité ou inaccessibilité d’expertise énoncée à l’alinéa ci-dessus, et à condition d’en fournir la preuve à l’autorité compétente, l’entrepreneur principal peut recourir à toute autre entreprise de droit congolais ou à une entreprise étrangère pour autant que l’activité ne dépasse pas six mois ; à défaut, elle crée une société de droit congolais.
Le Ministre sectoriel ou l’autorité locale en est préalablement informé.
Article 7
Sauf dispositions contractuelles contraires, le sous-traitant peut sous-traiter. Dans ce cas, le sous-traitant de second rang est soumis aux mêmes conditions de forme et de fond que le sous-traitant originel conformément à la présente loi.
Article 8
Les relations entre le sous-traitant et sa main-d’œuvre sont régies par la législation du travail.
Chapitre II : Des conditions d’exercice de la sous-traitance
Article 9
Pour être éligible, tout sous-traitant est tenu de :
1. avoir un Registre de Commerce et du Crédit Mobilier, une identification nationale et un numéro d’impôt ;
2. produire un document établissant qu’il est en règle avec l’administration fiscale ;
3. présenter l’affiliation à un organisme de sécurité sociale.
Toutefois, une formation médicale même non commerçante est éligible à la sous-traitance si elle est constituée conformément à la loi.
Article 10
Toute sous-traitance fait l’objet soit d’un appel d’offre, soit d’un marché de gré à gré.
Elle se fait par appel d’offre lorsque le coût du marché est supérieur ou égal à cent millions de francs congolais.
Dans ce cas, la publicité se fait par les moyens ci-après :
1. la presse écrite ou audiovisuelle tant au niveau national qu’en province ;
2. les sites internet ;
3. l’affichage des avis de recrutement d’un sous-traitant dans l’enceinte de l’entreprise principale ;
4. la transmission de l’information aux bureaux les plus proches des structures spécialisées et spécifiques qui encadrent l’exercice des activités commerciales, industrielles, agricoles et des petites et moyennes entreprises pour affichage par les soins de ces derniers dès le lancement des offres.
Elle se fait de gré à gré lorsque le coût du marché est inférieur à cent millions de francs congolais.
Article 11
Est interdite, la sous-traitance de plus de quarante pourcent de la valeur globale d’un marché.
Article 12
Toute entreprise installée sur le territoire national a l’obligation de publier annuellement le chiffre d’affaires réalisé avec les sous-traitants ainsi que la liste de ces derniers.
Elle met en œuvre, en son sein, une politique de formation devant permettre aux Congolais d’acquérir la technicité et la qualification nécessaire à l’accomplissement de certaines activités.
Article 13
Le contrat de sous-traitance précise notamment :
1. l’identité et l’adresse de chaque partie contractante ;
2. les travaux et les services sous-traités et leur rémunération ;
3. la fourniture des biens ;
4. la main-d’œuvre sollicitée ;
5. les spécifications techniques ;
6. le délai et les lieux d’exécution des travaux ;
7. les obligations réciproques des parties ;
8. les conditions de paiement ;
9. le coût global des travaux.
Article 14
Deux ou plusieurs sous-traitants peuvent co-traiter.
En cas de co-traitance, chacun des co-contractants est tiers aux contrats passés par l’autre avec l’entrepreneur principal et est responsable de ses propres prestations.
TITRE III : DES DROITS ET DES OBLIGATIONS DES PARTIES
Article 15
L’entrepreneur principal dispose d’un délai de quinze jours, à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus.
Passé ce délai, l’entrepreneur principal est réputé avoir accepté tout ou partie des pièces justificatives qu’il n’a pas expressément et formellement refusées.
Article 16
L’entrepreneur principal ne peut obliger le sous-traitant de préfinancer totalement le coût de l’opération ou de l’activité faisant l’objet de la sous-traitance. Il verse, avant le début des travaux, un acompte couvrant au moins les trente pourcent du contrat de sous-traitance.
A la fin de l’opération ou de l’activité, un procès-verbal provisoire de réception est signé. Celui-ci ne devient définitif qu’après paiement par l’entrepreneur principal du solde endéans trente jours de remise de l’ouvrage à compter de la réception.
A défaut dudit procès-verbal, la mise en service ou la viabilité de l’ouvrage suffit pour obliger l’entrepreneur principal de se conformer aux dispositions de l’alinéa précédent.
Article 17
L’entrepreneur principal a l’obligation de payer au sous-traitant le prix de l’activité sous-traitée conformément aux modalités et conditions convenues. Il en est de même pour le sous-traitant originel vis-à-vis du sous-traitant de second rang.
L’entrepreneur qui entend exécuter un contrat d’entreprise ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant par le maître de l’ouvrage.
Article 18
Sans préjudice de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle, le sous-traitant est tiers au contrat passé entre l’entrepreneur principal et le maître de l’ouvrage.
Article 19
L’entrepreneur principal ne peut céder ou nantir les créances résultant du marché ou du contrat passé avec le maître de l’ouvrage qu’à concurrence des sommes qui lui sont dues au titre des travaux qu’il effectue personnellement.
Toutefois, il peut nantir l’intégralité de ses créances sous réserve d’obtenir, préalablement et par écrit, le cautionnement solidaire de sous-traitants.
TITRE IV : DES ELEMENTS ET DU CONTROLE DU CONTRAT DE LA SOUS-TRAITANCE
Section 1ère : Des éléments du contrat de la sous-traitance
Article 20
Font partie du contrat de sous-traitance par ordre de primauté dans l’interprétation des engagements des parties :
1. la convention ;
2. le cahier de charges ;
3. les annexes.
La convention définit les principales obligations contractuelles des parties.
Le cahier des charges comporte les clauses administratives, les spécificités techniques, les conditions d’exploitation ainsi que les droits et obligations des parties dans la réalisation des travaux ou ouvrages et de la prestation des services.
Les annexes sont constituées de toutes les pièces jointes à la convention et au cahier des charges et y sont mentionnées comme telles.
Pour tous les éléments non prévus par la présente loi, le contrat de sous-traitance est soumis au droit commun.
Section 2 : Du contrôle de la sous-traitance
Article 21
L’autorité nationale, provinciale ou locale compétente, chacune en ce qui la concerne, est chargée du contrôle de la sous-traitance dans les entreprises sous-traitantes.
Article 22
Sont nuls, quelle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui violent les dispositions de la présente loi.
TITRE V : DU REGIME SOCIAL, FISCAL, DOUANIER, COMMERCIAL ET FINANCIER
Article 23
Les entreprises sous-traitantes telles que définies par la présente loi, sont, au plan social, régie par la législation du travail.
Sont interdits :
1. le prêt illicite de la main-d’œuvre ;
2. le travail dissimulé.
Article 24
Est interdit tout débauchage du personnel du sous-traitant par l’entrepreneur principal ou par le maître d’ouvrage.
Article 25
Les entreprises sous-traitantes restent assujetties à la législation fiscale et douanière.
Article 26
Les paiements effectués au bénéfice des sous-traitants ou ceux effectués par ceux-ci au bénéfice des tiers, en rémunération d’un travail exécuté sur le territoire national, se font, de préférence, dans les banques ou autres institutions financières congolaises.
Article 27
Les entreprises sous-traitantes souscrivent leurs assurances auprès des sociétés d’assurances installées en République Démocratique du Congo.
TITRE VI : DES SANCTIONS
Article 28
Est puni d’une peine d’amende de 50.000.000 à 150.000.000 de francs congolais, tout entrepreneur principal qui sous-traite avec une entreprise en violation de l’article 6 de la présente loi.
En outre, une mesure administrative de fermeture momentanée de l’entreprise est prise, selon le cas, par les Ministres ayant l’Economie, l’Industrie et les Petites et Moyennes Entreprises dans leurs attributions, le Gouverneur de province ou l’autorité administrative locale pour une durée ne dépassant pas six mois.
Est nul de plein droit, tout contrat de sous-traitance conclu en violation de l’article 6 de la présente loi.
Article 29
Est punie d’une peine d’amende de 10.000.000 à 50.000.000 de francs congolais, toute partie à un contrat de sous-traitance en violation de l’article 23, alinéa 2 de la présente loi.
Article 30
Est puni des peines prévues pour le détournement de main-d’œuvre, l’entrepreneur principal ou le maître d’ouvrage qui viole les dispositions de l’article 24 de la présente loi.
TITRE VII : DES DISPOSITIONS TRANSITOIRE, ABROGATOIRE ET FINALE
Article 31
Dans les douze mois de l’entrée en vigueur de la présente loi, les entreprises étrangères titulaires des contrats de sous-traitance se constituent en sociétés de droit congolais aux fins de mener à terme l’exécution desdits contrats.
Endéans le même délai, les entreprises de droit congolais ayant des contrats de sous-traitance en cours de validité conforment ceux-ci aux dispositions de la présente loi.
Article 32
Sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires à la présente loi.
Article 33
La présente loi entre en vigueur trente jours après sa publication au Journal officiel.
Fait à Kinshasa, le 08 février 2017
Joseph KABILA KABANGE
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